Depuis 2015, cette association lutte contre le gaspillage alimentaire à Rungis et l’insécurité alimentaire à Ménilmontant
Les Marmoulins de Ménil attendent, café ou cigarette à la main, devant Les Plateaux Sauvages. Couvert de graffitis, ce centre culturel, au 5 rue des Plâtrières, est leur maison temporaire depuis le deuxième confinement. Il se trouve juste derrière leur QG, BMG Cycles, au 10 rue Sorbier. En cette douce matinée d’hiver, une dizaine de bénévoles bavardent et plaisantent jusqu’à ce que la Ford Transit blanche de l’association arrive, et ils passent à l’action.
Arrivant directement du Marché de Rungis, la camionnette des Marmoulins est remplie de produits bio invendus collectés auprès des grossistes. L’association distribuera ces produits à une soixantaine de personnes du quartier cet après-midi. Les Marmoulins font la navette deux fois par semaine depuis 2015 dans le but de lutter contre le gaspillage alimentaire à Rungis et l’insécurité alimentaire à Ménilmontant.

« Au départ, ce sont des gens qui se connaissent du magasin de vélo rue Sorbier. L’endroit a toujours fonctionné comme une espèce de centre social. Tout un tas de jeunes viennent réparer leur vélo, bien sûr, mais surtout emprunter des outils, discuter… » explique Yves. Quand ils entendent parler des problèmes dans le quartier, Yves et les amis de BMG, dont beaucoup ont grandi ou vivent dans le 20e, s’efforcent de les résoudre.
« Tu es dans Paris, mais tu es dans un village » dit Rico à propos du quartier où il a vécu la plupart de sa vie. « Le 20e, c’est vraiment quelque chose à part. On est le dernier quartier populaire de Paris. Ici, ça résiste encore. »
Il y a environ six ans, le groupe d’amis a fondé l’association Les Marmoulins de Ménil’, qu’ils ont développée au fil des années pour répondre aux besoins du quartier. « Au bout d’un moment, il nous est venu l’idée de faire quelque chose par rapport au gaspillage alimentaire », se souvient Yves. Les Marmoulins se sont donc rendus à Rungis pour parler avec des grossistes. Ils ont ainsi appris que des tonnes de fruits et légumes bio parfaitement consommables étaient jetés chaque jour à cause d’emballages abîmés, de dates limites de vente dépassées ou d’invendus. De plus, les fournisseurs paient pour chaque tonne de déchets.
Ils ont donc commencé à collecter ces produits destinés à la benne, et les ont rapportés à BMG pour les distribuer gratuitement. Lorsque l’opération a pris de l’ampleur, ils ont commencé à demander à ceux qui le pouvaient de payer 5 euros pour leur panier, pour aider à financer la camionnette, l’essence et l’entrée à Rungis. Comme point d’honneur, l’association n’exige pas de justificatif de situation économique. « C’est un effet de balancier. Ceux qui peuvent, ils donnent. Ce qui permet à ceux qui ne le peuvent pas, de prendre » explique Rico, l’un des membres fondateurs. Aujourd’hui, environ un quart des 180 paniers par semaine sont payés, et les autres sont donnés gratuitement.
Ce programme de redistribution a créé une communauté et a suscité d’autres initiatives qui renforcent les liens sociaux et l’entraide dans le quartier : ateliers de cuisine et de sérigraphie, soutien scolaire, assistance administrative, et cours de self défense ou de yoga.
« On essaie juste de faire ce que l’on peut avec nos petits moyens. Mais on se débrouille pas mal » dit Rico. Pourtant, il souligne que leur aide n’est qu’un pansement : « En six ans, on a vu la misère s’accroître. C’est clair. »
« C’est triste que l’on soit obligé de faire ça » dit Yohann, propriétaire de BMG depuis 2005. « Ça me semble logique d’être solidaire avec ceux qui ont faim, surtout en ce moment, il y a de plus en plus de personnes à la rue. Il faut qu’ils mangent. »
Pendant la pandémie, les Marmoulins ont augmenté leurs déplacements à Rungis de deux à quatre fois par semaine. En plus des mardi et vendredi, ils s’y rendent désormais le jeudi pour approvisionner une douzaine d’associations partenaires, comme La Cantine des Pyrénées. Et le mercredi, ils fournissent une nouvelle antenne de l’association basée rue Tourtille, Les Marmoulins du bas Belleville, fondée l’été dernier. Pendant les deux confinements, des bénévoles Marmoulins ont aussi fait des maraudes pour distribuer des repas chauds aux sans-abris du quartier.
De retour aux Plateaux Sauvages, le groupe forme une chaîne humaine pour décharger des caisses de bananes, d’oranges, de navets, de laitues et de produits laitiers de la camionnette jusqu’au hall pour les répartir dans les paniers. Travailler dans le grand centre culturel aéré, qui a proposé d’accueillir les Marmoulins en cette période de pandémie, leur permet de respecter la distanciation sociale.
La crise sanitaire a confirmé aux Marmoulins que le magasin de vélo est devenu trop petit pour leur activité. Ils ont donc fait une demande à un groupement d’intérêt économique (GIE) pour un espace commercial près de la place Henri-Matisse afin d’ouvrir une épicerie sociale. Ils espèrent obtenir une réponse positive d’ici la fin janvier 2021.

Les Marmoulins de Ménil’
10 rue Sorbier
Métro Ménilmontant, Père Lachaise ou Gambetta
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