Le goût de Chez Tante Farida

Avec le soin d’une bonne tante, Farida remplit son petit restaurant de pains, de pâtisseries, d’encas et de plats traditionnels algériens, faits maison

Quittant les larges trottoirs et les grandes terrasses de brasserie du boulevard de Charonne, le début de la rue de Bagnolet est étroit et les batiments sont bas. Entre les traiteurs et fast-foods de toutes origines se trouve un petit restaurant où l’on est reçu comme à la maison — ou plutôt comme chez tata. C’est ainsi que les habitués saluent la patronne et cheffe Farida, qui prépare des pains, des pâtisseries, des encas et des plats traditionnels algériens avec attention et amour.

« Les plats que je propose sont ceux qu’on mange chez sa maman. Donc si on ne peut pas aller chez maman, on peut venir chez Tata Farida pour manger », s’exclame Farida, qui cuisine toujours selon les recettes et les techniques que sa mère et sa grand-mère lui ont apprises.

Farida a grandi avec un pied en Algérie et un pied dans le 20e ; elle habitait avec ses frères ainés chez sa grand-mère à Bordj Bou Arreridj, alors que ses parents et trois petites sœurs habitaient dans le quartier des Amandiers. En 2004, elle s’installe à Paris avec son mari et ses cinq enfants pour se rapprocher de ses parents âgés, toujours aux Amandiers. Elle fait des petits boulots, puis devient auxiliaire de puériculture, une passion pour elle. Dans son temps libre, elle confectionne des pâtisseries algériennes pour des événements. À la cinquantaine, frustrée par des CDD à l’hôpital et encouragée par ses enfants, elle décide de poursuivre sa deuxième passion et se lance dans la restauration en 2019.

Elle trouve un ancien kebab, au 13 rue de Bagnolet, dans un quartier « très sympa, d’une grande diversité » qu’elle connaît depuis son adolescence — son oncle y habitait. Le petit restaurant, avec une fenêtre de vente sur rue et quelques tables au fond d’une salle étroite, se prête bien au street food, mais Farida ne s’y limite pas.

« C’est rare de trouver un restaurant comme le mien en Algérie parce que je propose un peu de tout : du pain, de la pâtisserie, du street food et des plats, à emporter ou sur place, pour le quotidien ou pour une fête », explique-t-elle, ajoutant avec un sourire : « Quand je fais quelque chose, je le fais à fond ! »

Du lundi au samedi, Farida prépare sept sortes de pâtisseries (« celles que les gens du quartier connaissent ») et quatre sortes de pain : le matlouh ; khobz dar ; le kesra (souvent appelé ‘la galette’) ; et le msemmen (le crêpe). Ces deux derniers « se mangent aussi garnis comme un sandwich ou une crêpe, salé ou sucré », auquel cas le msemmen est appelé « mhadjeb », explique Farida. Remplies de légumes mijotés, de viande hachée, de poulet ou de fromage, par exemple, et réchauffées sur une plaque, ces options croustillantes et sur le pouce sont très demandées par les jeunes et salariés du quartier.

Dans sa cuisine au sous-sol, Farida prépare aussi une sélection de semoules et de salades (carotte-cumin, méchouia, macédoine…) et une rotation de soupes, de tajines, de couscous et d’autres plats du jour. C’est surtout « une clientèle d’un certain âge, des personnes qui ont la nostalgie, qui viennent pour s’asseoir et manger ces plats. Quand ils me disent ‘Tata, ta cuisine me rappelle celle de ma mère’ ou ‘c’est comme si que j’étais parti en Algérie’. Ça me fait plaisir », dit-elle.

En plus de faire plaisir aux autres, Farida se missionne de « casser le stéréotype de la cuisine orientale grasse, de la pâtisserie orientale trop sucrée. Ce stéréotype me fait mal au cœur. Je ne suis pas pour le gras, le salé, le trop sucré. Je fais très attention aux ingrédients ». Quand elle ne trouve pas un ingrédient qui lui convient en France, elle l’importe d’Algérie, comme le blé pour faire la chorba frik : « J’achète le vrai frik de chez moi. C’est préparé par les femmes qui moissonnent le blé avant sa maturation et le font cuire au feu de bois. Ça donne un vrai goût fumé à la soupe que l’on ne peut pas imiter dans une usine. »

Après quatre ans, Farida se souvient encore de son début compliqué au moment du Covid : « Les gens du quartier étaient très soucieux, très solidaires, et ça je n’oublierai jamais ! » Aujourd’hui, elle est fière d’apparaitre dans plusieurs guides et contente d’avoir pu embaucher deux salariées. Quant à l’avenir, Farida, en tata bienveillante du quartier, aimerait proposer « plus de choix aux végétariens, et aux jeunes qui n’ont pas un gros budget. Et je voudrais aussi proposer un service de livraison pour les personnes qui font du télétravail ou pour les personnes âgées qui ne peuvent plus se déplacer. »

Chez Tante Farida
13 rue de Bagnolet
Métro Alexandre Dumas
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