Le goût de Bô Kay Max

Aussi connue comme « Chez Max » et « Spécialités Antillaises Ménilmontant », cette épicerie-traiteur antillaise de troisième génération est une référence depuis 1960

Au 14-16 boulevard de Belleville, sous des sophoras sans feuille en ce mois de janvier, deux enseignes surdimensionnées jaunes et vertes apportent un rayon de soleil : « Spécialités Antillaises Ménilmontant ». A l’intérieur de cette boutique, une petite musique des caraïbes, un rayon de fruits tropicaux – ananas, agrumes, fruits de la passion, bananes, mangues – et une odeur d’épices et de pâtisseries au coco font oublier la grisaille de l’hiver.

Bienvenue chez Max, ou « Bô Kay Max » en créole. L’une des premières boutiques antillaises de Paris, elle a été fondée par un boucher français en 1960, et puis récupérée par Max Aratus, un Martiniquais. Aujourd’hui, c’est son fils Cédric Aratus et un normand, Bruno Duval, qui gèrent l’épicerie-traiteur ensemble. Ils expliquent que le fondateur, « Monsieur Jean », était un métropolitain qui tenait une boucherie traditionnelle française à cet endroit. Alors qu’il y a une vague d’immigration massive des Antillais en métropole dans les années 1960, il se retrouve avec beaucoup de clients antillais.

« Les antillais lui achetaient du sang de porc pour faire leurs boudins antillais eux-mêmes. Ça a intrigué Monsieur Jean, et il a commencé à faire lui-même du boudin antillais et à vendre des produits antillais, explique Cédric. À l’époque, mon père [Max], qui était venu de Martinique dans les années ’70, vendait des produits antillais sur les marchés le week-end en plus de son travail. Et Monsieur Jean venait lui acheter des marchandises. Il a vu que mon père travaillait bien et était sérieux, donc il l’a embauché pour développer son offre de produits antillais. »

La boucherie est devenue alors aussi épicerie, vendant des fruits et légumes – dachine, igname, patate douce, christophine – ainsi que d’autres produits – couac, farine de manioc, cannelle, bois d’Inde, poudre de Colombo et piments. Plus tard, la boutique est devenue aussi traiteur, proposant des plats – des viandes colombo ou à la créole, rougail ou chiquetaille de morue, fricassé de lambi – et pâtisseries – pâtés salés ou sucrés aux fruits, gâteaux – à emporter, et s’est finalement agrandie pour inclure un restaurant, au 14 boulevard de Belleville. Lorsque Max a repris l’affaire en 1987, elle était connue parmi ses clients comme « Chez Max ».

C’est à cette époque que Bruno a commencé à fréquenter la boutique avec sa femme, d’origine antillaise. « Nous étions des clients, et j’étais vraiment en amitié avec Max et tout le monde ici. En 2010, j’étais directeur dans une brasserie, et Cédric m’a téléphoné et m’a dit ‘Je reprends l’affaire de mon père mais je veux le faire avec toi’ », se souvient Bruno. Ce « fou de cuisine », qui travaille dans la restauration depuis l’âge de 15 ans, a sauté sur l’occasion.

« Bruno a l’amour des Antilles. Ça fait plus que 10 ans que l’on travaille ensemble et ça se passe bien », dit Cédric, notant un changement récent : « On a fermé la partie restaurant pendant le Covid, et on va faire des travaux de rénovation. On est en train de réfléchir si on veut rouvrir le restaurant ». Entre-temps, ils étoffent leur gamme d’épices, pâtes de piment, glaces et sorbets – mangue, goyave, maracudja, coco, cacahuète – et punchs maison – planteur, passion, gingembre, coco, ananas – sous leur nouveau nom, Bô Kay Max. Et ils se développent en ligne, avec un site de e-commerce qui devrait être lancé au printemps.

« La communauté antillaise est moins présente aujourd’hui, et elle achète différemment, explique Bruno. Avant, on vendait des produits bruts parce que les gens faisaient leur propre cuisine, notamment à Noël. Cette clientèle a vieilli, et est partie en retraite souvent aux Antilles. Leurs enfants font moins la cuisine et achètent plus de produits finis. Avant, la partie traiteur représentait 50% de nos ventes, maintenant c’est 95%. À Noël on vendait 5 000 litres de sang pour faire le boudin, et cette année on en a vendu 400 litres maximum. Alors que l’on a moins de clients antillais, on a récupéré beaucoup de clients européens qui connaissent les Antilles grâce aux vacances. On a aussi un peu une clientèle jeune européenne du quartier, qui est devenu un peu ‘boboisé’ », dit Bruno, résident du quartier de Jourdain depuis plus de 30 ans.

Aujourd’hui, les produits qui se vendent le plus sont les accras, le boudin, le mont-blanc (gâteau à la noix de coco) et leurs punchs. Après trois générations, leur point de référence n’a pas changé, Bruno souligne : « On est resté dans la tradition antillaise, et c’est ce que les gens cherchent en fin de compte ! »

Bô Kay Max
16 boulevard de Belleville
Métro Ménilmontant
web site
Facebook
Instagram
TikTok