Le gôut du marché

«Yalla ! Yalla ! Un euro la banane ! Un euro la caisse ! » J’entends les cris des vendeurs et le bourdonnement du marché avant même d’y arriver. Je passe entre deux camions tagués et me joins à l’action.

Rien de mieux qu’un marché pour prendre le pouls d’un quartier. Six des 90 marchés alimentaires à Paris se trouvent dans le 20e (Belgrand, Davout, Mortier, Pyrénées, Réunion et Télégraphe). Cinq marchés limitrophes sont aussi fréquentés par les habitants du 20e (Belleville, Charonne, Cours de Vincennes, Père-Lachaise et Place des Fêtes). Ils ont chacun leur charme, comme la plupart des marchés en France. Mais ce sont aussi des marchés qui répondent aux besoins quotidiens des gens du quartier. Certains marchés sont plus populaires que d’autres, et plusieurs sont réputés être parmi les moins chers de la capitale (Belleville, Place des Fêtes et Réunion).

En semaine, on y voit plus de poussettes et de cannes que de personnes tirant leur caddie. Mais le week-end, on s’y bouscule pour avancer. Les marchés sur les terre-pleins centraux (Belleville, Cours de Vincennes, Charonne et Père-Lachaise) ou sur les places (Réunion et Fêtes) permettent aux vendeurs de s’installer des deux côtés du trottoir, en laissant plus d’espace aux clients du marché pour regarder les produits ou trouver une place en bout de file.

Liste de courses en main, je passe devant des poulets rôtis à la broche, des poissons entiers scintillants sur leurs lits de glace, des stands de fromage à l’odeur forte, des tas de menthe, de coriandre et de persil frais, et des étals remplis de fournitures de cuisine, de textiles de maison ou de vêtements. Les marchands qui vendent des tomates et des aubergines toute l’année sont beaucoup plus nombreux que les stands bios ou directs de producteurs. Entre séduction et agressivité, les vendeurs interpellent des passantes d’un « Mademoiselle, goûtez-moi ça »  et appellent des messieurs âgés « jeune homme ». Certains proposent des stocks presque périmés du Marché de Rungis et beaucoup bradent leurs articles avant la fin du marché. Parfois je trouve mon bonheur, mais parfois je me retrouve avec deux kilos de champignons flétris sans savoir quoi en faire.

Comme d’autres habitués des marchés, j’ai mes étals habituels et mes vendeurs préférés. Au fil du temps, une relation de confiance s’établit : le vendeur connaissant les besoins du client et le client faisant confiance aux prix, aux produits ou aux conseils du vendeur. On échange quelques mots pendant qu’il prépare ma commande et que je remballe mes achats. Lorsque nous nous disons « à la semaine prochaine » et qu’il me rend la monnaie, mon marchand de légumes me propose toujours de « prendre une petite herbe » (une botte de menthe, de coriandre ou de persil) en partant.

Aux abords du marché, des militants distribuent des prospectus, des vendeurs à la sauvette vendent des bouquets de fleurs « pas chers » et disposent des têtes d’ail sur des caisses en bois. Des retraités du quartier se rassemblent sur les bancs voisins pour discuter. De temps en temps, un joueur d’orgue de barbarie ou une fanfare fait son apparition, apportant une note festive.

Les marchés les plus conviviaux sont proches d’un ou plusieurs cafés où l’on peut prendre ses forces avant de faire ses achats ou se reposer après. Selon l’humeur, je m’assois seule, pour lire Le Parisien emprunté au zinc ou pour observer la foule depuis la terrasse. Ou encore, je retrouve des amis ou des voisins, en commençant par un café pour passer ensuite à un petit apéritif, en grignotant quelques achats du marché avant de rentrer chez moi pour déballer mes sacs.

carnet d’adresses // marchés du 20e